«
Mémoires d’un paysan Bas Breton »
de Jean-Marie Déguignet
Au
XIXème siècle, un paysan lettré résiste sans faiblir aux ennemis
de la pensée libre : les prêtres, les gros propriétaires terriens,
les bourgeois, l’ignorance et les préjugés. Pourtant, Jean-Marie
Déguignet en a quelques-uns, au sujet des femmes en particulier.
Ce paysan, agriculteur éclairé, né dans les environs de Quimper,
parle le breton du canton, sa langue maternelle et sans jamais avoir
été à l’école, le latin, le français, l’italien et
l’espagnol. Il exerce tour à tour les métiers de mendiant,
vacher, soldat, sergent, cultivateur, assureur, débitant de tabac,
et meurt réduit à l’état de miséreux par le clergé local qui
le hait.
C’est
un anti-clérical, un républicain authentique, le tout à fleur de
peau. Ses diatribes contre « les tonsurés » sont succulentes et
n’ont aucunement perdu aujourd’hui de leur pertinence. Soldat
engagé, par nécessité, il fait la campagne de Crimée, celles
d’Italie, d’Algérie et du Mexique. Il qualifie cette dernière
d’ « ignoble et criminelle intervention ». Une brève
analyse de la campagne de Napoléon III au Mexique pour soutenir
Maximilien, témoignent d’une certaine acuité politique. Pourtant
du fond de la Cornouaille, Jean-Marie Déguignet ignore la
commune de Paris, dans l’édition établie par Bernez Rouz.
Les
mémoires de Jean-Marie Déguignet (1834-1905) font vivre une
Basse Bretagne sous le deuxième empire et la troisième république
où le clergé, les gros propriétaires terriens et la bourgeoisie
exercent un terrible et absolu pouvoir sur les paysans et les
ouvriers qu’ils exploitent et réduisent à la plus extrême
misère.
La
lecture, instructive et facile, est parfois cocasse ( quelques
distorsions de français prêtent à sourire). Il faut absolument
avoir lu les « Mémoires d’un paysan Bas Breton » de
Jean-Marie Déguignet aux éditions An Here.
Claude
Dubois
Les étapes de la vie
de Jean-Marie Déguignet :
1834 :
Naissance à Guengat (29), « Je vins au
monde dans de biens tristes conditions. »
1844 :
Mendiant à Ergué-Gabéric, « J’étais
si petit, si maigre, si triste que les fermières avaient pitié de
moi. »
1851 :
Vacher à Kerfeunteun, « J’avais
appris à lire et à écrire sans maître. »
1854 :
Service militaire à Lorient, « Ce
milieu où presque personne ne savait lire ou même parler un mot de
français. »
1861 :
Guerre de Kabylie, « Les Kabyles comme
les Bretons, ne se seront jamais soumis à leurs vainqueurs. »
1866 :
Guerre du Mexique, « Cette ignoble et
criminelle intervention. »
1868 :
Cultivateur à Ergué-Armel, « Des
compliments tous les jours par les gens qui venaient voir la ferme. »
1877 :
Républicain, « Vive la république bas
la calotte ! »
1883 :
Chassé de sa ferme, « Je vous engraisse
depuis quinze ans... et vous me chassez ! »
1888 :
Débitant de Tabac à Pluguffan, « Le
franc-maçon, le républicain rouge, le valet du diable. »
1892 :
Miséreux à Quimper, « Rien que des
haillons pour couvrir mon vieux corps meurtri, usé et décharné. »
1897 :
Écrit ses Mémoires, « Cette petite
plume qui, dit-on, est parfois plus dangereuse qu’une épée. »
1902 :
Séjour à l’hôpital psychiatrique, « Officiellement
exclu de la société, mis au ban des hommes de l’humanité. »
1904 :
Publication à Paris, « J’ai vu mon
nom briller au milieu des célébrités littéraires. »
1905 :
Décède face à l’hospice, « Je
proteste contre toute intervention des prêtres autour de mon
cadavre. »