« Sud Ouest » : Le Conseil
général de Vendée a été obligé de retirer la crèche de Noël
installée dans ses locaux. À Béziers, une autre crèche dans le
hall de la mairie fait l'objet d'une polémique.
Que dit exactement
la loi de 1905 ?
Henri Peña-Ruiz (1).
L'article 28 de la loi de 1905 précise
de façon très claire que l'on ne peut plus mettre des symboles
religieux dans les lieux publics. On entend par lieux publics, tous
les lieux officiels de la République. Une mairie, c'est par
excellence un lieu officiel de la République. Un hôtel de région,
un siège de Conseil général sont des lieux officiels de la
République. Il ne doit y avoir ni emblème religieux, ni
scénographies religieuses.
Quelle est la règle pour les
autres lieux publics ?
L'interdiction ne concerne pas les
autres lieux publics. Et elle fait une exception pour les musées et
les expositions d'œuvres d'art. Il n'y a donc pas d'interdiction
dans les musées pour ce qui est explicitement culturel. En revanche,
elle s'applique à tout ce qui est cultuel, même si ce cultuel a
derrière lui une longue tradition, comme dans les processions
religieuses qui ont lieu encore aujourd'hui en Limousin. Elles
peuvent bien sûr avoir lieu, mais elles ne peuvent pas être
financées par des fonds publics.
L'argent public provient des impôts
payés par des athées autant que par des croyants. On ne peut pas
obliger les citoyens athées à contribuer au financement d'un culte
qui n'est pas le leur. De la même façon, il est dit qu'il ne doit
plus y avoir de crucifix à l'entrée des cimetières, sauf lorsqu'il
s'agit d'une œuvre d'art léguée par l'Histoire, comme les
calvaires bretons.
Un certain nombre de personnes
demandent le maintien des crèches en faisant notamment valoir qu'il
s'agit d'une tradition qui dépasse le fait religieux…
Pour une fois qu'on ose rappeler les
règles laïques, je ne vois pas pourquoi certains poussent des cris
d'orfraie. Je ne vois pas pourquoi ils disent qu'il s'agit de culture
et pas de culte. Il faut arrêter. Ce n'est pas un argument. En plus,
je ne vois pas pourquoi les religieux protestent. Ils ont des tas de
lieux à leur disposition pour installer des crèches, les lieux de
culte, les autres lieux privés.
Effectivement, on peut dire que ces
crèches ont été réalisées par des artisans, ou ce que l'on veut.
Il n'en reste pas moins vrai que la crèche est une mise en scène de
la Nativité avec le petit Jésus et les Rois mages. À ce titre,
c'est un acte cultuel. La crèche fait partie de la scénographie
chrétienne, même si elle a fini par revêtir à la longue une
connotation culturelle.
Quand M. Ménard installe une crèche
dans le hall de la mairie de Béziers, il viole l'article 28. C'est
clair et net. Le préfet lui a demandé de la retirer. Idem en
Vendée. Dans les lieux publics, il est normal qu'il existe un
minimum de réserve et d'universalité. Peut-on imaginer que l'on
installe dans une mairie un étendard sur lequel on aurait écrit «
Dieu n'existe pas » ? Le tribunal administratif de Nantes n'a fait
qu'appliquer la loi. Elle me paraît juste et équilibrée.
D'autres estiment qu'il s'agit
au contraire d'une attaque…
Il n'y a pas d'attaque contre la
religion. La loi de 1905 n'est pas une loi antireligieuse. Elle
repose simplement sur l'analyse de ce qui est particulier ou
universel. Le but est de faire en sorte que la République traite
tout le monde à égalité. Et pour qu'elle puisse le faire, elle ne
doit plus privilégier une option spirituelle particulière, fût-elle
celle du catholicisme, qui a été la religion dominante de la France
pendant des siècles. La loi de 1905 affirme que la République ne
peut plus privilégier le catholicisme. Cela ne veut pas dire qu'elle
va lutter contre lui mais qu'elle considère que le catholicisme est
une option spirituelle qui n'engage que les croyants. La République
est neutre, ni athée ni croyante, pour bien rendre visible le fait
qu'elle est pour tous.
(1) Écrivain, philosophe. Il vient de
publier un « Dictionnaire amoureux de la laïcité » (Plon).