A
l’appel de la Fédération
nationale de la Libre Pensée
et des Fédérations départementales, plus de 90 initiatives,
rassemblements et délégations en préfectures départementales ou
de régions ont eu lieu autour des 7, 8 et 9 décembre. Des
centaines de citoyens rassemblés à la Rochelle, à Angers ou
Chambéry, 32 à Valence, 50 à Mont-de-Marsan, dans plus de 70
villes, les laïques et leurs associations étaient devant les
préfectures pour dire :
Monsieur
Macron
Ainsi
à Quimper, une cinquantaine de laïques était présente avec la
Ligue des Droits de l’Homme départementale, l’Amicale laïque de
Concarneau, Citoyens du Guil, l’ADMD et la LP29. A Albi, ce sont
plus de 40 citoyens qui se sont réunis devant la préfecture,
accompagnés des associations, syndicats et partis. Ils furent 50
présents à Vannes (Morbihan). A Privas (Ardèche), 45 personnes se
sont retrouvées à proximité de la préfecture en présence de 150
gilets jaunes. A Valence (Drôme) une trentaine de citoyens se sont
regroupés avec des représentants de la FOL 26, de l’observatoire
de la Laïcité, la LDH, Sud-Education avec des Elus, dont un qui a
pris la parole lors de la délégation au préfet. Il y a été
rappelé « que
la loi de Séparation des Églises et de l'État avait assuré 113
ans de paix civile. Les diverses déclarations d'Emmanuel
Macron,
qui s'est invité successivement au dîner de rupture du jeûne du
Ramadan, au 500e
anniversaire de la Réforme protestante, au dîner du CRIF et à la
conférence des Évêques de France, ont alerté les laïques sur les
menaces pesant sur la loi de 1905 ».
A
Clermont-Ferrand, la LDH, la LP, appuyés par plus d’une trentaine
de manifestants, ont été reçus en préfecture. 30 présents encore
à Digne-les-Bains, à Creil, à Montpellier, 40 à Aurillac, à
Tours. Par dizaine à Annecy, à Avignon, à Caen, à Reims, à Evry
ou Pontoise, des militants étaient regroupés dans le même but.
Pour les laïques et leurs associations, il n'y a rien à réparer,
car depuis 1905 il n'y a plus de lien. Nous avons mis en garde le
Gouvernement contre toute tentative de remettre en cause la loi de
Séparation en voulant «organiser
et labelliser
» des cultes et en leur attribuant des financements publics.
A Grenoble, après un rassemblement où la Libre Pensée, la Ligue de l’enseignement, la Ligue des droits de l’Homme, la FSU et le Mouvement de la paix ont pris la parole devant des dizaines de citoyens, une délégation a été reçue.
Plus
d’une trentaine de Fédérations de la Libre Pensée ont d’ores
et déjà été reçues, une quinzaine sont en attente, une dizaine
n’a toujours eu aucune réponse de la part des préfectures. Nous
avons interpellé le ministre de l’Intérieur, Christophe
Castaner,
et attendons encore sa réponse.
Les
délégations qui ont été reçues ont « rappelé
les raisons de notre attachement à la Loi, démontré que les
modifications envisagées seraient la destruction de cette dernière
et mettrait la République en danger et insisté sur le fait que
notre arsenal juridique était largement suffisant pour permettre la
coexistence de tous les citoyens et réprimer les appels à la
haine ».
Généralement, les représentants de l’Etat reconnaissent ces
évidences, mais arguent d’un changement « technique ».
Vous trouverez, le compte-rendu de la délégation avec deux
représentants de la Libre Pensée de la région parisienne auprès
du Préfet de la région d’Ile-de-France qui illustre notre propos
et nos inquiétudes.
COMPTE RENDU DE LA DÉLÉGATION AUPRÈS DU PRÉFET DE LA RÉGION D’ÎLE-DE-FRANCE
7 DÉCEMBRE 2018
Après avoir remercié le directeur de
cabinet, la délégation a d’abord précisé que de nombreuses
manifestations similaires ont eu lieu sur l’ensemble du territoire
national à l’initiative de la FNLP, qui n’a reçu aucune réponse à sa
demande d’entrevue avec le Président de la République. Elle a déploré
que plusieurs préfets aient refusé de recevoir les libres penseurs. Elle
a rappelé que les informations circulant dans la presse indiquent
notamment que le Gouvernement, dans le but essentiellement de mieux
contrôler l’Islam en France (prêches, financements venant de
l’étranger), entendrait instituer une procédure de quasi-agrément des
associations cultuelles, renouvelable tous les cinq ans, qui reviendrait
à dénaturer en partie l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 aux termes duquel l’État ne reconnaît pas les cultes.
Elle a précisé que les laïques
n’accepteront pas une révision de la loi qui porterait sur un tiers de
ses articles et introduirait, par leur ampleur et leur contenu, des
modifications aussi profondes que celles issues de la loi du 25 décembre
1942 du Régime de Vichy. Enfin, après avoir rappelé
que la loi, un texte fondamental de liberté voté au terme d’un débat
parlementaire exceptionnel, offre aux autorités tous les moyens
juridiques d’assurer l’ordre public dans les lieux de cultes, elle a
insisté sur deux points, pris pour exemples.
D’une part, elle a critiqué l’élargissement envisagé aux « rénovations énergétiques » des aides allouées pour financer les « réparations »
par les collectivités publiques des lieux de culte privés édifiés après
1905, sur le fondement du dernier alinéa de l’article 19 de la loi,
introduit en 1942. D’autre part, elle a fait part de son étonnement
devant la volonté du Gouvernement de permettre aux associations
cultuelles de faire fructifier, en dehors de toute activité cultuelle,
un patrimoine immobilier de rapport acquis gratuitement, alors même que
la représentation nationale vient d’écarter l’essentiel de l’article 38
du projet de loi pour un État au service d’une société de confiance.
À cet égard, elle a souligné que les recettes tirées de l’exploitation
d’un tel patrimoine seront défiscalisées et que le dispositif envisagé
conduirait à étendre les possibilités de recevoir des dons et legs
ouvertes en 1942. Il s’agirait alors d’un financement public
par le biais détourné de la fiscalité, qui est une violation flagrante
du principe de non-financement public (Article 2 de la loi de 1905).
Les interlocuteurs de la délégation ont
répondu que leur niveau d’information était semblable au nôtre et
qu’ils avaient simplement à cœur de recueillir nos remarques afin d’en
informer le Bureau central des cultes du ministère de l’Intérieur.
Ils ont insisté sur le fait que les réflexions actuelles du
Gouvernement en étaient au stade d’un simple avant-projet, susceptible
d’évoluer nettement au fil des débats et de la concertation qui devrait
s’engager. Ils ont confirmé que les pouvoirs publics entendent trouver
une solution au problème de la gouvernance de l’Islam en France. Le
directeur de cabinet a implicitement reconnu que le Conseil français du culte musulman (CFCM)
n’a pas apporté de solution satisfaisante à cette question et que la
situation des relations nouées entre l’État, les collectivités publiques
et ce culte variait trop d’un territoire à l’autre, faute de structure
pyramidale solide. Il a précisé que ce sujet spécifique devrait
s’articuler avec celui, plus général, de l’évolution probable de
l’organisation territoriale de l’État.
Il a également souligné que les assises départementales de l’Islam, lancées au début de l’été par l’ancien ministre de l’Intérieur, M. Gérard Collomb,
avaient mis en évidence la nécessité de répondre à deux autres
questions : celle de la formation des imams et celle du financement,
cette dernière étant pourtant commune à tous les cultes ainsi que la
délégation l’a fait remarquer. À cet égard, il considère que l’extension
des sources de financement des cultes au moyen d’un patrimoine
immobilier de rapport acquis gratuitement devrait être indifférente aux
libres penseurs et aux laïques en général, en tant qu’elle
n’entraînerait aucune charge pour les collectivités publiques. Quant à
elle, sa collaboratrice s’est voulue rassurante en indiquant que les
articles 1 et 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la Séparation
des Églises et de l’État, qui ne feraient l’objet d’aucune révision,
étaient au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République (PFRLR) entrant dans le bloc de constitutionnalité.
Selon nous, s’il est exact que l’arrêt n° 77-87 DC du Conseil constitutionnel
du 23 novembre 1977 inscrit la liberté de conscience parmi les PFRLR,
en revanche, celui n° 2012-297 QPC du 21 février 2013, rendu à propos de
la constitutionnalité de l'article VII des articles organiques des
cultes protestants de la loi du 18 germinal an X relative à
l'organisation des cultes, ne se prononce que sur la reconnaissance des
cultes et le fait de salarier leurs ministres : « […] la République
ne reconnaît aucun culte ; […] qu'il [le principe de laïcité] implique
que celle-ci ne salarie aucun culte ; »
Au terme de cette entrevue courtoise, nous maintenons nos exigences :
Séparation OUI ; Réparation NON !
Ne touchez pas à la loi de 1905 !
A
Tours, le délégué de la Libre Pensée a expliqué : « "L’Etat
maitre chez lui, l’Eglise chez elle",
disait Victor
Hugo.
La séparation fait qu’il ne peut y avoir ni religion d’Etat, ni
officielle, ni reconnue. On peut croire ou ne pas croire. Personne ne
peut imposer quoi que ce soit. C’est la liberté de conscience
affirmée dans l’article I de la loi de 1905. La religion est
séparée de l’Etat. C’est l’article II qui stipule "la
République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun
culte".
Cela signifie qu’il n’y a aucun financement public des cultes, la
religion étant considérée comme une affaire privée. (…)
L’Eglise n’a, en effet, jamais accepté la loi de 1905. Une des
attaques, attaque majeure s’il en est, c’est celle du Régime
de Vichy de l’ex-maréchal Pétain
avec la loi de décembre 1942 qui a redonné les capacités civiles
et testamentaires à l’Eglise, refaisant ainsi de celle-ci une
puissance financière, immobilière, foncière, forestière. L’Eglise
possède des bâtiments de grand luxe dans les arrondissements chics
de Paris. Ces immeubles-là ne s’effondrent pas comme à
Marseille. »
Dans
l’ensemble des délégations, la tonalité des représentants de
l’Etat est la même : « Il
n’estt pas question de dénaturer la loi de 1905 qui est une loi
fondamentale pour la République. Mais, cependant, concernant
l’organisation de la religion musulmane et son éventuel
financement par des pays étrangers »,
il faudrait de nouvelles règles. Dans l’ensemble des délégations,
l’argumentation des représentants de l’Etat repose sur
l’affirmation « que
les modifications à venir ne seront que des modifications
"techniques" », ne touchant pas à l’article 1 et 2 de
la Loi de 1905. Derrière cet écran de fumée, il est annoncé « un
avant-projet de loi
» dont « le
but, c’est de trouver des solutions pragmatiques
». Le questionnement tourne toujours autour de la même religion :
L’Islam. « Cette
réflexion sur "faut-il
modifier ou non la loi de 1905"
s’explique par la difficulté importante de réguler le culte
musulman. Il n’est pas structuré comme les autres religions
vis-à-vis de l’Etat et vis-à-vis d’eux-mêmes»
La
régulation d’un culte par l’Etat, c’est déjà la fin de la
loi de 1905. A quel titre un Etat régenterait un culte en lui
interdisant de rentrer dans les affaires de l’Etat ? Et l’un des
représentant de l’Etat a déclaré : « Il
faut donc donner un cadre
», avant de s’interroger sur : « faut-il
renforcer le CFCM qui n’a pas répondu aux attentes ou le remplacer
? »
Pourquoi
un million de pratiquants bouddhistes avec quatre millions de
sympathisants se sont adaptés totalement à la Loi de 1905 et cela
ne pourrait-il être possible pour un autre culte ? « Prétendre
"prévenir
les dérives intégristes"
n'est qu'un prétexte, derrière lequel se profile la silhouette d'un
nouveau concordat ».
Dernier
point, ce qui a scandalisé nombre de délégations est que le
ministre de l’Intérieur, Christophe
Castaner,
consulte les cultes pour écrire cet avant-projet de Loi et qu’il
n’a pas encore reçu la Libre Pensée (comme il l’a pourtant
annoncé à la presse) et les associations laïques.
La
Loi de 1905 vaut bien une mobilisation nationale
Les
délégations ont clairement rappelé que si Macron et le
gouvernement persistaient dans leur volonté de modifier la loi de
1905, les laïques engageraient une mobilisation nationale.
Il
n’y aura jamais assez d’actions pour défendre la loi de 1905. Il
y a trop d’endroits où elle est bafouée et où il faut la
défendre. Le maire de Béziers, Robert
Ménard
d’extrême-droite vient encore d’être condamné pour la mise en
place d’une crèche catholique dans les bâtiments de la mairie,
bâtiment de la République.
Chaque
laïque le ressent : l’unité laïque est en marche, il faut la
renforcer. Qui prendrait le risque de diviser les laïques et leurs
associations en ne rejoignant pas l’appel lancé par 30
associations à l’initiative de la Ligue
de l’Enseignement,
appel auquel la Libre
Pensée
est partie prenante depuis sa conception et sa réalisation ?
Chacune
des délégations a laissé un dossier complet aux représentants de
l’Etat où il était explicitement indiqué :
NE
TOUCHEZ PAS A LA LOI DE 1905 !
Paris,
le 17 décembre 2018
UN APPEL DE 30 ORGANISATIONS LAÏQUES. NON À LA RÉVISION DE LA LOI DE 1905 !
Publié par l’Humanité - Mardi, 11 Décembre, 2018
Des projets de révision de la loi de 1905 seraient à l’étude. S’il
s’agit de mieux encadrer des dérives intégristes mettant en cause les
principes et valeurs de la République, le titre V de la loi, intitulé
« Police des cultes », fournit l’arsenal juridique suffisant. S’il
s’agit de financer les cultes de quelque manière que ce soit, on
entrerait alors dans une procédure concordataire que la loi de 1905
avait précisément pour but d’abolir.
Les organisations laïques soussignées, réunies le jeudi 22 novembre 2018 à Paris, mettent en garde contre toute modification de la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905, quelles qu’en soient les voies. Cette loi est un pilier fondamental de la République. Pour assurer à chaque citoyen la liberté de conscience, elle a instauré un juste équilibre entre la garantie du libre exercice des cultes et la neutralité confessionnelle de l’État.
Les organisations signataires rappellent donc solennellement l’intangibilité des principes solidairement posés par la loi :
Article 1. La République
assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des
cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de
l’ordre public.
Article 2. La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte.
Les organisations laïques demandent, par-delà les débats inutiles que
suscitent ces projets de révision, que soit déjà et complètement
appliquée la loi.
Premières organisations signataires : Centre
d’entraînement aux méthodes d’éducation active (Cemea), Conseil national
des associations familiales laïques (Cnafal), Débats laïques, Égale,
Fédération des autonomes de solidarité FAS-USU, Fédération des conseils
de parents d’élèves (FCPE), Fédération française de l’ordre maçonnique
mixte international « le Droit humain », Fédération de l’éducation de la
recherche et de la culture (Ferc-CGT), Fédération générale des pupilles
de l’enseignement public, Fédération générale des retraités de la
fonction publique (FGR-FP), Fédération nationale de la Libre Pensée,
Fédération syndicale unitaire (FSU), Francas, Grande Loge mixte de
France (GLMF), Grande Loge mixte universelle (GLMU), Libres MarianneS
(LMS), Ligue de l’enseignement, Ligue des droits de l’homme (LDH),
Mouvement de la paix, Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre
les peuples (Mrap), Mutuelle générale de l’éducation nationale (Mgen),
Solidarité laïque, Syndicat administration et intendance (SIA-Unsa),
Syndicat de l’éducation populaire (Unsa), Syndicat des enseignants
(SE-Unsa), Syndicat de l’inspection de l’éducation nationale (SI.EN Unsa
éducation), Syndicat national Force ouvrière des lycées et collèges,
Syndicat national des inspecteurs d’académie inspecteurs pédagogiques
régionaux (Snia-IPR), Syndicat national des personnels de direction
(SNPDEN), Union des familles laïques (Ufal), Union rationaliste, Unsa
éducation.