En 1956, en pleine révolution des Conseils en Hongrie contre le pouvoir stalinien, un militant, Leszek Kolakowski, écrivait un texte, sous forme de poème, qui allait entrer dans l’Histoire, sous le titre : « Qu’est-ce que le socialisme ? ». A l’heure où les termes de laïcité et de laïque sont plus que galvaudés et pervertis par leur adversaires, nous avons voulu rendre hommage à ce militant et dire ce que nous pensons.
What it is ?
Nous vous dirons ce qu’est la laïcité. Mais d’abord, nous
devons vous dire ce que n’est pas la laïcité. Bien, donc la laïcité
n’est pas : Une société dans laquelle quelqu’un qui n’a pas commis de
faute est stigmatisé
pour sa seule présupposée appartenance ethnique ou religieuse. Une
société où c’est un crime d’être le frère, la sœur, le fils ou la femme
d’un « suspect musulman ».
Une
société dans laquelle quelqu’un est malheureux parce que ce qu’il a dit
n’est pas conforme à ce que les
docteurs de la foi médiatique et de la pensée unique imposent à tous
et quelqu’un d’autre heureux parce qu’il ne dit pas ce qu’il pense.
Une
société où quelqu’un est à l’aise parce qu’il ne pense pas du tout. Une
société dans laquelle quelqu’un
est malheureux parce qu’il est juif, musulman, libre penseur, et où
un autre est mieux parce qu’il n’est pas juif, musulman, libre penseur.
Une société où il vaut mieux-être blanc, vieux, riche
et rentier, que noir, pauvre, jeune et chômeur.
Une société où il est mieux de s’appeler, Nicolas, François, Ségolène, Bernard-Henri, Caroline, Georges,
Jean-François, Bernard, Pierre que Mouloud, Moustapha, Mohamed, Fatima, José, Pietro, Alberto.
Caroline ou Fatima ?
Une société dont l’Etat où
les auxiliaires zélés de la pensée unique en appellent toujours à la
répression contre ceux qui ne pensent pas comme eux. Un État
où vous n’avez droit à des subventions publiques que si vous faites
allégeance au « politiquement correct ». Une société où pour avoir
droit à une salle municipale pour se réunir, il vaut mieux être d’accord avec le maire.
Une société où les Élus trahissent la laïcité tous les jours, votent les subventions publiques aux cultes et
à l’enseignement catholique et plantent des arbres de la « laïcité »
pour faire oublier le dimanche ce qu’ils ont fait dans la semaine. Un
État où le Gouvernement et les Élus de Droite comme de Gauche
détournent 10 milliards d’euros de fonds publics, chaque année, pour
financer les religions et l’enseignement privé catholique, en
spoliant l’Enseignement public qu’ils sont censés défendre.
Une société où l’on peut être condamné d’avance, sans jugement, pour délit de faciès. Un État qui a plus de
policiers et de gendarmes que de nourrices, et proportionnellement plus de gens en prison que dans les hôpitaux.
Un
État dont les soldats pénètrent les premiers sur le territoire d’un
autre pays, au nom d’un droit
d’ingérence que s’arrogent les puissants de ce monde. Un Etat où
quiconque chante les louanges des dirigeants et de leurs groupies
médiatiques est dans une meilleure situation que celui qui se
tait.
Un
État qui produit plus d’armes de guerre que de biens de production pour
satisfaire les besoins de la
population. Un État dans lequel les moins-disants culturels vivent
mieux que les esprits libres. Un État dont les procureurs sont souvent
d’accord avec le pouvoir. Un État dans lequel il
faut mieux, pour sa sécurité, être mal-comprenant que mal-obéissant.
Etre con, cela rassure, surtout les bien-pensants
Un
État qui veut que tous ses citoyens aient la même opinion en
philosophie, politique étrangère,
économie, littérature et morale. Un État où l’on applaudit
réglementairement et dans l’union nationale aux bruits de bottes en
Asie, au Moyen-Orient et en Afrique.
Un
État dont le gouvernement définit les droits de ses citoyens, mais dont
les citoyens ne définissent pas les droits du
gouvernement. Un État où l’on est responsable de ses ancêtres, mais
pas de ceux des autres qui sont, par définition, moins bien. Un État où
une partie de la population reçoit des salaires
et des dividendes (quarante fois pour le moins !) plus élevés que
ceux des autres.
Un
État qui se dit neutre et laïque, mais où le Président de la République
fait le signe de croix et
participe à des messes dans l’exercice de ses fonctions et où les
Élus participent, avec leur écharpe tricolore, aux cérémonies
religieuses. Un Gouvernement, aidé par des syndicats d’enseignants,
des associations dites « laïques » qui militent ouvertement pour l’unification de l’Enseignement public et catholique, contrairement aux
principes de Séparation des Églises et de l’État.
Un Etat qui refuse d’abroger les lois antilaïques par « réalisme », et, tout cela, sous les applaudissements réitérés des « personnalités morales »
dont les décorations cléricales valent mieux que toutes les réserves « laïques ». Une croix chrétienne vaut bien une Légion
d’honneur, d’ailleurs c’est souvent, pour beaucoup, la même chose.
La carte , la croix et la francisque
Un Etat, une société, où on valorise le réalisme, celui qui a commencé à Munich, poursuivi à Montoir, et
idéalisé à Sigmaringen. De la croix chrétienne à la croix gammée en passant par le Journal La
Croix, vivant symbole, avec le Monde, de la continuité du Pétainisme.
Une société qui utilise en permanence des mots nationalistes et xénophobes. Une société où l’autre est
toujours l’ennemi, surtout s’il n’a pas la même religion « blanche et occidentale ». Une société où tout le monde déclare croire en un dieu
unique, mais où personne n’a le même, ce qui justifie tous les massacres.
Un
État dont les gouvernements pensent que rien n’est plus important que
leur pouvoir. Un État qui fait un
pacte avec le crime et adapte ensuite son idéologie à ce pacte. Un
État qui impose le modèle économique du capitalisme destructeur et
ravageur, du FMI, de la Banque mondiale et de l’Union
européenne et qui appelle cela : « le meilleur des mondes possibles ».
Une société où tous les partis politiques, de droite comme de gauche, se sont ralliés à la Doctrine Sociale de l’Eglise catholique,
qui n’a pour seul objectif que de maintenir l’exploitation
capitaliste et l’oppression sociale. Les patrons seront toujours les
patrons et les travailleurs, toujours chômeurs ou dans la misère (la
différence est bien mince), au nom du « bien commun » qui n’est que le bien des puissants de ce monde.
Pole Emploi ou l’usine, ou tu pointes où tu meurs
Une société où le pouvoir et ses affidés entendent imposer partout ce qu’il faut penser, ce qu’il faut
manger, comment il faut se vêtir, dans la rue et même chez soi. Une société dont le maître-mot est, au nom de la
liberté : interdire en permanence. Un État qui se veut arbitre de toutes les élégances, surtout vestimentaires. Une société qui impose les
canons d’une « beauté aux ordres », réglementaire et normalisée des fabricants de cosmétiques et obscurcissant le regard de
chacun. Un seul regard, un seul désir, un seul peuple.
Une société où les zélotes honteux et inavoués du cléricalisme appellent « laïque » tout ce qui sent l’eau bénite et « intolérance », tout ce qui est véritablement laïque et
libre penseur.
Une
société où il vaut mieux être chrétien que musulman, juifs que
bouddhiste, évangéliste qu’intouchable
hindou.. Et qu’en tout cas, il n’y a rien de pire que d’être libre
penseur. Une société où l’on nous vous inculque que penser, c’est déjà
désobéir.
Un
État qui se considère comme fermement démocratique parce qu’il est
d’accord avec lui-même. Une société qui
est la tristesse même. Un système de caste qui se reproduit par
lui-même et pour lui-même. Un État qui connaît toujours la volonté des
gens avant de la leur demander. Un État qui peut les
maltraiter impunément.
Un
État dans lequel une conception de l’histoire fait la loi. Un État dans
lequel philosophes et écrivains
disent toujours la même chose que les généraux et les ministres,
mais toujours après eux. Un État dans lequel les travailleurs n’ont pas
d’influence sur le gouvernement. Un État qui croit que lui
seul peut sauver l’humanité. Un État qui considère qu’il a toujours
raison. Un État dans lequel l’Histoire est un auxiliaire de la
politique.
Un révolutionnaire, un révolté, un laïque est toujours contre l’Etat !
Un
Etat qui sait ce qu’il veut et qui fabrique des opinions et de
l’information à coup de
sondages pour confirmer ce qu’il a décidé d’avance. La chance,
espère-t-il, que l’argent confirmera sa commande. Et, c’est souvent le
cas. Qui paie commande. Cela évite de penser.
Un
État qui est toujours content de lui. Un État qui croit que chacun est
épris de lui, alors qu’en réalité,
c’est le contraire. Un État qui est convaincu que personne au monde
ne peut rien concevoir de mieux. Un État qui ne se rend pas compte qu’il
est haï aussi longtemps qu’il est craint, surtout à
cause des forces considérables de répression.
Un
État qui détermine qui peut le critiquer et comment. Un État dans
lequel on peut chaque jour réfuter ce
qu’on affirmait la veille et croire toujours que rien n’a changé. Un
État qui n’aime pas voir ses citoyens lire trop de journaux ou surfer
sur internet.
Un État dans lequel nombre d’ânes ont rang d’intellectuels, de philosophes, d’écrivains, d’experts et de
journalistes.
Etats Frères, démocraties populaires, libéralisme, démocratie : et ta Sœur ?
Voici la première partie. Mais maintenant, attention, nous allons vous dire ce qu’est la laïcité.
Et bien,
camarades, la laïcité, c’est une bonne chose.
Christian Eyschen, vice-Président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée
PS : Ce texte est écrit en hommage à tous les combattants de la liberté à travers le monde