vendredi 8 février 2013

Qu’est-ce que la laïcité ?


En 1956, en pleine révolution des Conseils en Hongrie contre le pouvoir stalinien, un militant, Leszek Kolakowski,  écrivait un texte, sous forme de poème, qui allait entrer dans l’Histoire, sous le titre : « Qu’est-ce que le socialisme ? ». A l’heure où les termes de laïcité et de laïque sont plus que galvaudés et pervertis par leur adversaires, nous avons voulu rendre hommage à ce militant et dire ce que nous pensons.

What it is ?
Nous vous dirons ce qu’est la laïcité. Mais d’abord, nous devons vous dire ce que n’est pas la laïcité. Bien, donc la laïcité n’est pas : Une société dans laquelle quelqu’un qui n’a pas commis de faute est stigmatisé pour sa seule présupposée appartenance ethnique ou religieuse. Une société où c’est un crime d’être le frère, la sœur, le fils ou la femme d’un « suspect musulman ».
 
Une société dans laquelle quelqu’un est malheureux parce que ce qu’il a dit n’est pas conforme à ce que les docteurs de la foi médiatique et de la pensée unique imposent à tous et quelqu’un d’autre heureux parce qu’il ne dit pas ce qu’il pense.
 
Une société où quelqu’un est à l’aise parce qu’il ne pense pas du tout. Une société dans laquelle quelqu’un est malheureux parce qu’il est juif, musulman, libre penseur, et où un autre est mieux parce qu’il n’est pas juif, musulman, libre penseur. Une société où il vaut mieux-être blanc, vieux, riche et rentier, que noir, pauvre, jeune et chômeur.
 
Une société où il est mieux de s’appeler, Nicolas, François, Ségolène, Bernard-Henri, Caroline, Georges, Jean-François, Bernard, Pierre que Mouloud, Moustapha, Mohamed, Fatima, José, Pietro, Alberto.
 
Caroline ou Fatima ?
  
Une société dont l’Etat  où les auxiliaires zélés de la pensée unique en appellent toujours à la répression contre ceux qui ne pensent pas comme eux. Un État où vous n’avez droit à des subventions publiques que si vous faites allégeance au « politiquement correct ». Une société où pour avoir droit à une salle municipale pour se réunir, il vaut mieux être d’accord avec le maire.
 
Une société où les Élus trahissent la laïcité tous les jours, votent les subventions publiques aux cultes et à l’enseignement catholique et plantent des arbres de la « laïcité » pour faire oublier le dimanche ce qu’ils ont fait dans la semaine. Un État où le Gouvernement et les Élus de Droite comme de Gauche détournent 10 milliards d’euros de fonds publics, chaque année, pour financer les religions et l’enseignement privé catholique, en spoliant l’Enseignement public qu’ils sont censés défendre.
 
Une société où l’on peut être condamné d’avance, sans jugement, pour délit de faciès. Un État qui a plus de policiers et de gendarmes que de nourrices, et  proportionnellement plus de gens en prison que dans les hôpitaux.
 
Un État dont les soldats pénètrent les premiers sur le territoire d’un autre pays, au nom d’un droit d’ingérence que s’arrogent les puissants de ce monde. Un Etat où quiconque chante les louanges des dirigeants et de leurs groupies médiatiques est dans une meilleure situation que celui qui se tait.
 
Un État qui produit plus d’armes de guerre que de biens de production pour satisfaire les besoins de la population. Un État dans lequel les moins-disants culturels vivent mieux que les esprits libres.  Un État dont les procureurs sont souvent d’accord avec le pouvoir. Un État dans lequel il faut mieux, pour sa sécurité, être mal-comprenant que mal-obéissant.
 
Etre con, cela rassure, surtout les bien-pensants
 
Un État qui veut que tous ses citoyens aient la même  opinion en philosophie, politique étrangère, économie, littérature et morale. Un État où l’on applaudit réglementairement et dans l’union nationale aux bruits de bottes en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique.
 
Un État dont le gouvernement définit les droits de ses citoyens, mais dont les citoyens ne définissent pas les droits du gouvernement. Un État où l’on est responsable de ses ancêtres, mais pas de ceux des autres qui sont, par définition,  moins bien. Un État où une partie de la population reçoit des salaires et des dividendes (quarante fois pour le moins !)  plus élevés que ceux des autres.
 
Un État qui se dit neutre et laïque, mais où le Président de la République fait le signe de croix et participe à des messes dans l’exercice de ses fonctions et où les Élus participent, avec leur écharpe tricolore, aux cérémonies religieuses. Un Gouvernement, aidé par des syndicats d’enseignants, des associations dites « laïques » qui militent ouvertement pour l’unification de l’Enseignement public et catholique, contrairement aux principes de Séparation des  Églises et de l’État.
 
Un Etat qui refuse d’abroger les lois antilaïques par « réalisme », et, tout cela, sous les applaudissements réitérés  des « personnalités morales » dont les décorations cléricales valent mieux  que toutes les réserves « laïques ». Une croix chrétienne vaut bien une Légion d’honneur, d’ailleurs c’est souvent, pour beaucoup, la même chose.
  
La carte , la croix et la francisque
 
Un Etat, une société, où on valorise le réalisme, celui qui a commencé à Munich, poursuivi à Montoir, et idéalisé à Sigmaringen. De la croix chrétienne à la croix gammée en passant par le Journal La Croix, vivant symbole, avec le Monde, de la continuité du Pétainisme.
 
Une société qui utilise en permanence des mots nationalistes et xénophobes. Une société où l’autre est toujours l’ennemi, surtout s’il n’a pas la même religion « blanche et occidentale ». Une société où tout le monde déclare croire en un dieu unique, mais où personne n’a le même, ce qui justifie tous les massacres.
 
Un État dont les gouvernements pensent que rien n’est plus important que leur pouvoir. Un État qui fait un pacte avec le crime et adapte ensuite son idéologie à ce pacte. Un État qui impose le modèle économique du capitalisme destructeur et ravageur, du FMI, de la Banque mondiale et de l’Union européenne et qui appelle cela : « le meilleur des mondes possibles ».
 
Une société où tous les partis politiques, de droite comme de gauche, se sont ralliés à la Doctrine Sociale de l’Eglise catholique, qui n’a pour seul objectif  que de maintenir l’exploitation capitaliste et l’oppression sociale. Les patrons seront toujours les patrons et les travailleurs, toujours chômeurs ou dans la misère (la différence est bien mince), au nom du « bien commun » qui n’est que le bien des puissants de ce monde.
  
Pole Emploi ou l’usine, ou tu pointes  où tu meurs
 
Une société où le pouvoir et ses affidés entendent imposer partout ce qu’il faut penser, ce qu’il faut manger, comment il faut se vêtir, dans la rue et même chez soi. Une société dont le maître-mot est, au nom de la liberté : interdire en permanence. Un État qui se veut arbitre de toutes les élégances, surtout vestimentaires. Une société qui impose les canons d’une « beauté  aux ordres », réglementaire et normalisée des fabricants de cosmétiques et obscurcissant le regard de chacun.  Un seul regard, un seul désir, un seul peuple.

 
Une société où les zélotes honteux et inavoués du cléricalisme appellent « laïque » tout ce qui sent l’eau bénite et « intolérance », tout ce qui est véritablement laïque et libre penseur.
 
Une société où il vaut mieux être chrétien que musulman, juifs que bouddhiste, évangéliste qu’intouchable hindou.. Et qu’en tout cas, il n’y a rien de pire que d’être libre penseur. Une société où l’on nous vous inculque que penser, c’est déjà désobéir.
 
Un État qui se considère comme fermement démocratique parce qu’il est d’accord avec lui-même. Une société qui est la tristesse même. Un système de caste qui se reproduit par lui-même et pour lui-même. Un État qui connaît toujours la volonté des gens avant de la leur demander. Un État qui peut les maltraiter impunément.
 
Un État dans lequel une conception de l’histoire fait la loi. Un État dans lequel philosophes et écrivains disent toujours la même chose que les généraux et les ministres, mais toujours après eux. Un État dans lequel les travailleurs n’ont pas d’influence sur le gouvernement. Un État qui croit que lui seul peut sauver l’humanité. Un État qui considère qu’il a toujours raison. Un État dans lequel l’Histoire est un auxiliaire de la politique.
  
Un révolutionnaire, un révolté, un laïque est toujours contre l’Etat !
 
Un Etat qui sait ce qu’il veut et qui fabrique des opinions et de l’information à coup de sondages pour confirmer ce qu’il a décidé d’avance. La chance, espère-t-il, que l’argent confirmera  sa commande. Et, c’est souvent le cas. Qui paie commande. Cela évite de penser.
 
Un État qui est toujours content de lui. Un État qui croit que chacun est épris de lui, alors qu’en réalité, c’est le contraire. Un État qui est convaincu que personne au monde ne peut rien concevoir de mieux. Un État qui ne se rend pas compte qu’il est haï aussi longtemps qu’il est craint, surtout à cause des forces  considérables de répression.
 
Un État qui détermine qui peut le critiquer et comment. Un État dans lequel on peut chaque jour réfuter ce qu’on affirmait la veille et croire toujours que rien n’a changé. Un État qui n’aime pas voir ses citoyens lire trop de journaux ou surfer sur internet.
 
Un État dans lequel nombre d’ânes ont rang d’intellectuels, de philosophes, d’écrivains, d’experts et de journalistes.
 
Etats Frères, démocraties populaires, libéralisme, démocratie : et ta Sœur ?
 
Voici la première partie. Mais maintenant, attention, nous allons vous dire ce qu’est la laïcité.
 
Et bien, camarades, la laïcité, c’est une bonne chose.
 

Christian Eyschen, vice-Président de la Fédération Nationale de la Libre Pensée
  
PS :  Ce texte est écrit en hommage à tous les combattants de la liberté à travers le monde