dimanche 12 novembre 2017

Le monument aux morts de Primelin, un monument aux morts pas comme les autres




Primelin un enfant qui repousse ces blocs, c'est à dire les guerres
Primelin est un bourg situé à la pointe du Finistère non loin d'Audierne. Dans les années 90, la municipalité s'est adressée à deux sculpteurs, Véronique MILLOUR et Philippe MEFFROY¹ afin qu'ils proposent une maquette pour un monument aux morts. Jusque-là le monument n'était qu'un assemblage de plaques de marbre gravées portant le nom des victimes tuées à la guerre.
C'est notamment pour répondre au souhait des Anciens Combattants que fut envisagée l'érection d'un nouveau monument. Les sculpteurs écrivent dans un courrier qu'ils nous ont adressé:
« (...) Eux [les Anciens Combattants] voulaient perpétuer le souvenir mais lorsque nous leur avons présenté une idée d'espérance et non plus de chagrin, d'avenir et non plus de passé, l'idée d'un enfant repousse ces blocs, c'est-à-dire les guerres (résultats d'incompré-hensions, de haines, de luttes pour le pouvoir...) et qui parvient à les ébranler. Ils ont bien aimé cette idée, comprenant bien que nous ne faisions d'aucune façon injure à leurs morts.
La symbolique n'est pas celle d'un enfant qui se heurte à un mur et dont l'avenir est bouché mals d'un enfant qui refuse, qui agit et espère ... »

Ce monument atteste de la force du courant pacifiste actuel et de cette conviction que les guerres contre les peuples ne peuvent rien régler. La réalisation du monument de Primelin est d'autant plus émouvante que sans qu'il y ait nécessairement référence consciente à ce puissant rejet populaire de la guerre qui a marqué la fin de la première guerre mondiale, les artistes ont exprimé dans leur création un sentiment du même type en l'enracinant dans le présent et dans l'avenir, ce qui fait que le monument de Primelin est plus un « monument de vie» qu ' un monument aux morts. Il répond en cela aux convictions de nombreux libres penseurs et pacifistes . C'est ainsi qu' un de nos camarades libre-
penseur de la Corrèze² a pu recueillir des informations, en quelque sorte officieusement grâce à la ténacité et à la persévérance de ses
amis bretons, sur cette réalisation. Notre camarade, malgré les difficultés rencontrées, n'a pu s'empêcher de raire connaître, dans une lettre au maire de Primelin³, « le formidable choc émotionnel » ressenti devant le monument : «D'entrée, le lien s'établit avec cet autre enfant de GENTIOUX et je compris qu'if n'était plus seul portant chacun leur message, se complétant l'un l'autre. [. . .j L'enfant faisant s'écrouler le mur des guerres, quel symbole, à l'heure où le canon tonne dans 85 pays de la planète et où la barbarie, allant de la machette ou de la hache à l'engin le plus perfectionné, éclate à nos portes.
Raison et sagesse encore près du mur écroulé. Ces deux plaques de vos disparus tellement chargées qu'il n'y a plus de place pour inscrire d'autres noms et, clé de voûte et formidable symbole, surtout, ce dernier bloc que l'enfant nous impose de ne jamais monter.
[...] Cet enfant, ses symboles, tout ce qu'il représente n'est plus seulement le vôtre, son message s'adresse à tous les enfants du monde.
Cet enfant appartient à l'
HUMANITÉ toute entière.
[...] PRIMELIN et son enfant, avec tout ce qu'il représente et tout ce
qu'il impose (ne pas reconstruire le mur et ne jamais monter le dernier bloc) n'est pas seulement
à vous ; son message est passé, ce nom est d'ores et déjà connu bien au-delà de nos frontières car partout où il y a des guerres, il faut que des enfants disent MAUDITE SOIT LA GUERRE et comprennent pourquoi il ne montera plus aucun bloc sur le mur écroulé de PRIMELIN.
[...] Avec lui, grâce à lui, nous allons bâtir des MONUMENTS DE VIE. Ce sera le plus beau et le plus grand message pour passer de la DER des DER à l'enfant de Primelin. »
Le monument a été inauguré le 11 novembre 1994

coupure de presse
Notes

1-Nous remercions Véronique Millour et Philippe Meffroy de nous avoir autorisés à rendre public tout ou partie de leur lettre.
2-Emile Maurie.
3-Lettre datée du 19 avril 1999 et dont Emile Maurie nous a adressé une copie. Dans cette lettre EM cite le monument de Strasbourg qu'il décrit ainsi : « une mère tenant sur elle deux enfants morts, l'un ayant la tête tournée vers la France et l'autre vers l'Allemagne, ouvrant ainsi la dimension internationale. »

Ce texte de présentation du monument aux morts de Primelin (29), un monument aux morts pas comme les autres, est extrait de l'ouvrage de Danielle et Pierre ROY « Autour de monuments aux morts pacifistes en France » éditée par la Fédération Nationale Laïque des Associations des Amis des Monuments Pacifistes, Républicains et Anticléricaux édité en 1999 et réédité en 2006