Pour une fin de vie apaisée
Une demande qui monte de toutes parts
Toutes
les enquêtes d’opinion le montrent : une très large majorité
de nos concitoyens est favorable à l’instauration d’une aide
médicalisée à mourir lorsque les patients sont atteints d'une
affection accidentelle ou pathologique grave et incurable, leur
infligeant des souffrances physiques ou psychiques qui ne peuvent
être apaisées ou qu'ils ne supportent pas. La multiplication des
drames de la fin de vie, ceux qu’ont vécus notamment M. Vincent
Humbert et sa mère ainsi que Mme Chantal Sébire, atteinte
d’une grave maladie de la face provoquant des douleurs
insupportables, ou que vit encore M. Vincent Lambert, victime
des déchirements de sa famille, contribue à renforcer dans les
profondeurs du pays l’appel en faveur d’une solution juridique
permettant à chacun d’exercer sa liberté de conscience jusqu’au
dernier souffle.
Un
cadre juridique inadapté
Les
partisans du statu quo peuvent désormais difficilement
soutenir que les soins palliatifs constitueraient l’alternative à
l’aide médicale à mourir et qu’une meilleure application de la
loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de
vie apporterait la réponse adéquate à la demande des patients, des
personnels soignants et des citoyens en général, confrontés
notamment dans leur vie de tous les jours aux conséquences de
l’allongement de la durée de l’existence humaine.
En
matière de soins d’accompagnement des mourants, la France accuse
un retard considérable que ceux qui les brandissent comme un
étendard n’ont rien fait pour les développer. Contrairement à la
Catalogne, la Belgique ou la Norvège, notre pays ne répond que très
imparfaitement à la résolution relative aux soins palliatifs de
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du 28 janvier
2009 qui a estimé « nécessaire [d’étendre] de toute
urgence la portée de ce mode novateur de traitement et de soins »
et souligné que « Les soins palliatifs devraient
devenir accessibles non seulement aux malades en fin de vie, mais
aussi aux patients atteints de maladies graves ou chroniques ainsi
qu’à toutes les personnes qui nécessitent des soins individuels
importants, qui pourraient bénéficier de cette démarche. »
L’indigence de l’offre de soins palliatifs est, en effet,
criante : un peu plus de cinq mille lits identifiés pour
320 000 patients par an, selon les données recueillies par
l’Observatoire national de la fin de vie.
La
loi du 22 avril 2005 comporte, quant à elle, de graves lacunes.
L’interruption des traitements pour éviter une obstination de
soins déraisonnable au regard de l’état du malade a parfois
entraîné des agonies inacceptables. Notamment, la suspension de
l’alimentation et de l’hydratation a constitué dans certains cas
un délaissement coupable des patients pendant plusieurs jours, voire
davantage. En outre, les directives anticipées n’ont pas de force
juridiquement contraignante. Enfin et surtout, la mise en œuvre des
dispositions de la loi s’avère impossible dans certaines
situations comme l’a démontré le spectacle affligeant du
déchirement de la famille de M. Vincent Lambert, en état de
coma irréversible. En l’espèce, bien que le praticien eût
respecté la procédure prévue par le texte, l’application de la
loi a été suspendue pendant de longs mois au détriment même des
droits qu’elle reconnaît aux malades.
Un
engagement à tenir
L’inertie
des pouvoirs publics n’a que trop duré. Le vingt-et-unième
engagement du programme du candidat à la Présidence de la
République François Hollande,
aux termes de laquelle « toute personne
majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable,
provoquant une souffrance physique insupportable, et qui ne peut être
apaisée, [peut] demander, dans des conditions précises et strictes,
à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie
dans la dignité », doit être suivie
d’effet dans les plus brefs délais. Elle doit l’être dans le
sens qu’attendent les citoyens et les soignants : non pas sous
la forme d’une modification de la loi du 22 avril 2005 tendant à
élargir le champ de la sédation terminale, mais sous celle de
l’instauration d’un véritable droit à l’aide médicale à
mourir sans lequel la liberté de conscience de chacun ne peut
s’exercer complètement.
Les
législations étrangères offrent à cet égard un large éventail
d’expériences susceptibles d’éclairer un débat qui doit être
mené sous les auspices de la seule raison, qu’il s’agisse du
suicide médical assisté pratiqué dans les cantons du Valais et de
Vaud en Suisse ou dans les Etats américains de l’Oregon, de
Washington, du Vermont et, dans une moindre mesure, du Montana et du
Nouveau-Mexique ou qu’il s’agisse de l’euthanasie dans les
conditions prévues par la loi belge du 28 mai 2002 dont les
dispositions s’inspirent de celles entrées en vigueur aux Pays-Bas
en 2001 et ont été reprises au Luxembourg en 2009.
Les
pouvoirs publics doivent méditer les conseils avisés d’Epicure
que nos concitoyens souhaitent pouvoir suivre : « le
sage ne tient pas à vivre la durée la plus longue, mais la durée
la plus agréable ».
Associations
signataires :
- Fédération nationale de la Libre Pensée (FNLP)
- Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD)
- Ligue des Droits de l’Homme (LDH)
- Ligue de l’Enseignement (LDE)
- Union rationaliste