Lettre
ouverte à monsieur Olivier Schrameck,
Président
du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA)
Monsieur
le Président,
La
Fédération
nationale de la Libre Pensée
s’adresse à vous par ce moyen un peu inhabituel pour vous alerter
sur un comportement que nous considérons comme problématique par
rapport à la déontologie et au pluralisme qui devraient régner
particulièrement dans l’audiovisuel, notamment public.
Lors
de l’émission « C’
dans l’air »
du mercredi 24 décembre 2014 (http://www.france5.fr/emissions/c-dans-l-air), qui traitait de la
question des crèches dans les bâtiments officiels de la République,
le journaliste Axel
de Tarlé
a commencé son propos en indiquant « Les
libres penseurs veulent interdire les crèches et maintenant aussi
les sonneries de cloches ».
En clair, on a affaire à des liberticides.
Dans
le reportage qui suit, le journaliste met sur le même plan le
recours juridique de la Libre Pensée au Tribunal administratif de
Melun sur la présence d’une crèche chrétienne dans les locaux
municipaux (qui constitue une violation de l’Article 28 de la Loi
de 1905) et une simple lettre individuelle d’un libre penseur sur
la gêne occasionnée par la sonnerie incessante de cloches. Le cadre
est ainsi posé pour une attaque en règle contre la Libre Pensée.
C’est
dans l’air… surtout dans l’air du Vatican
Sur
le plateau, un seul sujet : dénoncer la Libre Pensée.
Les intervenants du débat sont : Michel Cool, un
spécialiste du christianisme, ancien rédacteur en chef de La Vie
(catholique), actuellement chroniqueur au Jour du Seigneur sur
France 2 et Radios Chrétiennes Francophones. Autre
intervenant, Jean-François Colosimo, Président des Éditions
(catholiques) du CERF, il enseigne à l’Institut
Saint-Serge la théologie byzantine. Intervenant suivant, Raphaël
Draï, spécialiste de la loi hébraïque. Dernière
intervenante, Cynthia Fleury, membre du Comité consultatif
national d’Éthique dont visiblement la laïcité n’est
nullement la spécialité, c’est le moins que l’on puisse dire.
Le
décor est ainsi planté pour le procès. Un seul problème : si
les Inquisiteurs religieux sont bien là, on n’a pas invité
l’accusée. La Libre Pensée est totalement absente du débat,
elle ne peut répondre. Et tous les intervenants saluent l’action
passée de la Libre Pensée, mais condamnent son action
d’aujourd’hui. Un participant déclare : « Ils sont
minoritaires ». Avec quel instrument cet Inquisiteur
peut-il mesurer qui est majoritaire et qui est minoritaire ? À
l’aune de son propre point de vue ? Les « minoritaires »
se verraient-ils interdire désormais le droit à l’expression de
leurs opinions en France ? Rappelons que la Loi de 1905 est
ultra majoritaire plébiscitée par les citoyens. Nous avons constaté
que l’ensemble des participants se prononçait pour la Loi de
Séparation des Églises et de l’État, notamment son article 28, à
condition qu’il ne soit pas vraiment appliqué. Qui est
minoritaire ?
Sommes-nous
au pays de Voltaire ou dans celui de Torquemada ?
Pendant
près d’une heure, un long réquisitoire va être fait contre la
Libre Pensée et les libres penseurs sans que ceux-ci puissent, à
aucun moment, répondre et se défendre. Les pires bassesses vont
être déversées en toute impunité sans que la Libre Pensée puisse
les démentir. C’est quand même une curieuse déontologie et une
conception du débat pluraliste qui rappellent celles des pays
totalitaires.
On
assiste, par ailleurs, à un ahurissant déchaînement de l’épiscopat
catholique (Messieurs Vingt-Trois, Di Falco Leandri et
Podevin, notamment) qui fulminent contre la Libre Pensée. On
nous affuble de toutes les calomnies et de toutes les injures. Notre
combat serait « dérisoire, inutile, dépassé, stérile ».
Mais, alors la question se pose : qui organise ce tintamarre
médiatique, sinon l’Église catholique et ses partisans ?
Il y a des condamnations qui sont des décorations (en tout cas pour
la Libre Pensée), on pourrait même penser à Coluche et à
son célèbre « c’est la lutte du Pot de vin contre
le pot de terre ».
Mais
cela commence à avoir des conséquences assez graves : la
vitrine de notre librairie qui est au Quartier latin (et non dans les
quartiers riches, dixit le journaliste de la Cinq)
a été brisée une nouvelle fois. Particulièrement visée :
l’affichette qui souhaitait un « Joyeux
Noël païen ».
Les réseaux internet débordent de messages de haine, d’injures,
d’insultes et de menaces de mort à notre encontre. Un mouvement
catholique appelle à une nouvelle croisade contre les libres
penseurs (http://www.agoravox.tv/culture-loisirs/culture/article/contre-l-interdiction-des-creches-48072). Des
libres penseurs voient leurs photos et leurs adresses divulguées sur
internet en appelant à un véritable pogrom contre eux. Nous avons
déposé des plaintes, elles seront suivies d’effet.
La
Fédération nationale de la Libre Pensée le dit clairement :
elle
tient pour responsables moralement, politiquement et pénalement tous
ceux qui organisent ces campagnes.
Il n’y a pas que Civitas
ou le Parti
chrétien-démocrate
de Christine
Boutin
qui sont à la manœuvre en la matière. Nous avons les preuves de ce
que nous avançons et les fournirons à la Justice quand il le
faudra.
Qui
organise la division et la polémique ?
Monsieur
André Vingt-Trois,
archevêque de Paris de son état clérical a demandé à ses
ouailles le 15 août 2012 (fête de la « Vierge
Marie ») de se réapproprier
la sphère publique, car pour lui la religion n‘est pas une affaire
privée. En conséquence, des secteurs entiers de l’Église
catholique ont battu le pavé, notamment à l’occasion du Mariage
pour tous.
C’est
l’Église catholique, et personne d’autre,
qui a décidé de faire, de l’affaire d’une simple décision d’un
tribunal administratif sur la crèche au Conseil général de Vendée,
une affaire nationale et même internationale. Ce n’est pas la
première fois qu’un tribunal administratif prend une telle
décision, sans que pour autant, on connaisse un tel traitement
médiatique. Et l’on a vu, de l’extrême droite au Parti
socialiste, la course à l’échalote électorale et politicienne
pour se gagner les faveurs de l’épiscopat.
L’affaire
des crèches chrétiennes dans les bâtiments de la République est
un moyen pour l’épiscopat de tenter d’investir à nouveau la
sphère publique d’où la Loi de 1905 l’avait écartée. C’est
parce que l’Église catholique a cette volonté cléricale (au sens
premier du terme) de redominer la société, notamment par le biais
de ses symboles religieux, que l’affaire des crèches chrétiennes
a pris une telle ampleur. Et il s’est trouvé naturellement des
« idiots utiles »
de droite comme de gauche pour prêter leur concours à cette
opération cléricale.
Cette
affaire n’est donc pas « ubuesque,
clochemerlesque », elle est
symptomatique d’un débat séculaire que le libre penseur Victor
Hugo avait ainsi formalisé :
« Ce que nous voulons est
l’État chez lui, l’Église chez elle ».
C’est là la véritable explication de ce tintamarre médiatique.
Certains, et en premier lieu, l’Église catholique, veulent que
l’Église soit partout et qu’il n’y ait plus de séparation des
Églises et de l’État. Il s’agit, pour la Libre Pensée, de
défendre la Loi de 1905.
Force
est de constater qu’il y a aussi dans cette affaire des objectifs
internes au sein de l’épiscopat. Tous les évêques ne s’alignent
visiblement pas derrière la crosse d’André-Vingt-Trois. Il
y a fort à parier que ceci n’est pas non plus sans rapport avec ce
qui se passe au sein de la Curie romaine, plus que malmenée par le
pape François.
Monsieur
le Président du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel,
Si
nous avons été longs, c’est pour vous expliquer en détail ce qui
nous semble en jeu dans cette affaire de l’émission « C’
dans l’air ». On aurait pu attendre d’une
telle émission sur une chaîne du service public une déontologie
plus conforme aux principes du pluralisme d’opinion.
Nous
souhaiterions en conséquence que vous rappeliez les responsables de
cette émission à leurs obligations déontologiques. Nous sommes
prêts, quant à nous, à venir sur leurs plateaux pour faire valoir
notre Droit de réponse.
Dans
l’attente de votre réponse, veuillez recevoir l’expression de
nos meilleurs sentiments et l’expression de notre profond
attachement à un service public républicain de l’audiovisuel.
Christian Eyschen,
Vice-Président de la Libre Pensée