Que celui qui n'a jamais péché me jette la première pierre
"Sara apporte Agar à Aram"
Huile sur toile d'Adrian Van Der Werff 1096- The Hermitage (St Petersbourg, Russie)
Huile sur toile d'Adrian Van Der Werff 1096- The Hermitage (St Petersbourg, Russie)
Au début de La Bible (Genèse, 16), se voyant stérile, Saraï (la princesse) met une femme féconde dans le lit de son vieil époux Abram. Il s’agit de l’une de ses servantes, l’Égyptienne Agar, qui devient plus tard la mère d’Ismaël. Toutefois, sur l’instant, Saraï éprouve de la jalousie envers Agar lorsque celle-ci se trouve enceinte. Laissée libre d’agir à son gré par Abram, Saraï humilie alors Agar qui prend la fuite. Au milieu du désert, Elohim ordonne néanmoins à Agar de retourner auprès de sa maîtresse et de donner à Abram l’enfant Ismaël que Saraï ne pouvait concevoir.
Le récit biblique a ainsi
envisagé la gestation pour autrui, pratiquée sous la contrainte, mais
avec la bénédiction de l’Éternel qui enjoint à Agar de remettre à Abram
et Saraï l’enfant qu’elle a porté pour eux.
Treize ans plus tard, après l’avoir renommé Abraham, l’Éternel
annonce au patriarche, comme l’avaient déjà fait trois anges venus en
éclaireurs, qu’il sera, bien qu’âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans, encore
très prolifique afin de créer de nombreuses nations. Il lui révèle que
son épouse Saraï, devenue Sara, quatre-vingt-dix ans au compteur,
donnera naissance à un fils, Isaac, l’année suivante (Genèse, 18). Sara
rit en son for intérieur, certaine qu’elle est incapable de désir
sexuel, ni de procréer. Adonaï lui en fait reproche et lui dit qu’elle a
tort de persifler, même en silence : l’enfant Isaac verra bien le jour à
la date annoncée.
La scène se déroule avant le départ pour Sodome, la ville de toutes
les débauches.
La Bible vient de concevoir la procréation assistée,
sinon médicalement du moins divinement.
Le départ vers Sodome peut même
laisser penser à un lecteur imaginatif que cette émancipation des
processus biologiques spontanés pourrait être offerte aux barons de
Charlus qui demeurent dans cette ville de toutes les transgressions.
Heureusement, Elohim veille au grain : Sodome, comme Gomorrhe, sera
détruite sous une pluie « de soufre et de feu ».
En un temps où la nature n’est pas encore domestiquée autant
qu’aujourd’hui, La Bible retient donc l’hypothèse d’une possible
génération des enfants en dehors des voies habituelles. La combinaison
des deux épisodes de la Genèse qui viennent d’être rappelés ouvre même
une porte qu’il n’est pas dans notre intention de franchir pour le
moment : des femmes ménopausées, comme celles auxquelles un médecin
italien avide d’argent a accepté de transplanter un embryon, pourraient
devenir des mères porteuses.
Les adeptes des trois religions du Livre qui poussent des cris
d’orfraie devant la demande de généralisation de la procréation
médicalement assistée (PMA) et de légalisation de la gestation pour
autrui (GPA) devraient donc relire leurs classiques et leurs épigones
mécréants, encore inféodés aux Églises de tous ordres, y réfléchir à
deux fois avant de s’en offusquer.
Dominique Goussot (Fédération Nationale de la Libre Pensée)