vendredi 27 juin 2014

Une loi sur l’assistance médicale à mourir : plus que jamais une nécessité et une urgence

Deux événements viennent nous rappeler que la loi actuellement en vigueur ne répond absolument pas aux enjeux de la fin de vie et laisse désemparées les personnes atteintes d'une maladie incurable entraînant des souffrances physiques et/ou psychiques insupportables, leurs familles et les médecins qui les prennent en charge. Inadaptée, cette loi prive les individus du plein exercice de leur liberté de conscience. Or, en dépit des engagements qu'a pris le Président de la République devant les citoyens avant d'être élu, le gouvernement et la majorité parlementaire qui le soutient font preuve d'inertie, voire de duplicité, en étirant à l'infini les travaux préparatoires à l'élaboration d'un texte qu'une écrasante majorité de Français attend.



M. Vincent Lambert obtient gain de cause des mois après sa demande


Hier, au regard des dispositions de la loi du 22 avril 2005, l'Assemblée de la section du contentieux du Conseil d'Etat a jugé que M. Vincent Lambert, atteint d'un coma irréversible, est fondé à demander l'arrêt de la nutrition et de l'alimentation artificielles qui le maintiennent en vie de façon déraisonnable. Il a également considéré que le médecin ayant accédé à sa demande, formulée de manière indiscutable avant l'accident dont il a été victime, a agi conformément à la loi. Enfin, il a rappelé que "...  prises dans leur ensemble, eu égard à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles doivent être mises en œuvre, les dispositions contestées du code de la santé publique ne peuvent être regardées comme incompatibles avec les stipulations de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles " le droit de toute personne à la vie est  protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement (...) " ainsi qu'avec celles de son article 8 garantissant le droit au respect de la vie privée et familiale ". 

En définitive, il aura fallu plus de six mois aux juridictions administratives françaises saisies en urgence pour constater que M. Vincent Lambert peut exercer le droit que lui donne la loi du 22 avril 2005 de le laisser mourir. Non seulement ce droit est une contrefaçon dangereuse de celui que chacun devrait détenir d'obtenir une mort douce, en tant précisément qu'il entraîne parfois des agonies terribles, mais les conditions à réunir sont si complexes que les recours dirigés contre les décisions médicales prises pour son application sont paralysés.

Les parents de Vincent Lambert ont saisi la Cour européenne des Droits de l'Homme sur cette question. Celle-ci a gelé la situation pour un délai lui permettant d'examiner le dossier. Sa décision de " suspendre " l'arrêt du Conseil d'Etat n'est pas un avis sur le fond. Au-delà de l'inhumanité de cette situation autour de la douleur d'un être aimé, la Libre Pensée jugera l'avis de la CEDH à la lumière de la récente décision de l'Union européenne à propos des OGM.

Selon celle-ci, l'Union européenne propose et les Etats sont libres de leur législation. On verra bien s'il en est de même pour cette liberté démocratique à conquérir qu'est l'assistance médicale à mourir.


Le docteur Nicolas Bonnemaison acquitté


Aujourd'hui même, pourtant poursuivi pour " empoisonnement " de sept malades en fin de vie plongés dans une détresse abyssale, c'est-à-dire pour les avoir soustraits à une agonie terrible, le docteur Nicolas Bonnemaison vient d'être acquitté purement et simplement par la cour d'assises de Bayonne, au terme de trois semaines de débat, alors qu'il encourait la réclusion criminelle à perpétuité. Prononcées la veille, les réquisitions de l'Avocat général, qui préconisait une peine de cinq ans d'emprisonnement assortie du sursis et du droit d'exercer la médecine, annonçaient elles-mêmes une issue en forme d'appel implicite à une évolution de la législation. La voix de la société dans le prétoire demandait que le docteur Nicolas Bonnemaison pût continuer de soigner ses patients. Pour le ministre de l'agriculture, " Cette décision conforte l'idée qu'il faut faire évoluer la loi. "


Les tergiversations et la duplicité du Gouvernement


Ce verdict sonne le glas de la loi du 22 avril 2005 qui doit bénéficier, elle aussi, d'une assistance à mourir dans les plus brefs délais. Pourtant prévisibles, les décisions du Conseil d'Etat et de la cour d'assises de Bayonne n'ont pas conduit les pouvoirs publics à accélérer le processus d'examen d'un texte instituant le droit à une assistance médicale à mourir. Au contraire, l'impression domine que le gouvernement entend le ralentir. Après les travaux ayant conduit à la remise du rapport Sicard au Président de la République, le 18 décembre 2012, après la saisine du Comité consultatif national d'éthique qui a pris le temps de la réflexion et a recommandé la réunion d'un " jury citoyen ", le Premier ministre a nommé, le 20 juin 2014, une mission temporaire sur la fin de vie auprès de la ministre des affaires sociales, Mme Marisol Touraine, composée de deux députés : MM. Alain Claeys, socialiste, et Jean Léonetti, de l'UMP. La désignation de M. Jean Léonetti, l'auteur de la loi du 22 avril 2005 désormais gravement fragilisée, suffit à montrer qu'en vérité le Gouvernement cherche à gagner du temps et n'a en aucune façon l'intention de réserver une suite sérieuse à la proposition numéro 21 du programme de M. François Hollande lorsqu'il était candidat à la présidence de la République.

La Libre Pensée préconise une solution plus simple et plus rapide : poursuivre la discussion de la proposition de loi prévoyant " une assistance médicalisée permettant par un acte délibéré une mort rapide et sans douleur " dans sa version adoptée le 18 janvier 2011 par un très vaste rassemblement des forces politiques représentées à la commission des affaires sociales du Sénat et largement inspirée de la loi belge de 2002. " La mort n'est rien " disait Epicure dans sa lettre à Ménécée. Ce qui la précède est l'essentiel. Que le législateur donne aux malades le droit à une mort douce.


Paris, le 26 juin 2014