jeudi 3 juillet 2014

A propos de la PMA et de la GPA, un droit sans droits n’est rien


La Fédération nationale de la Libre Pensée a soutenu la revendication du mariage pour tous, qui, en fait, était l’extension du mariage civil aux couples homosexuels. Rappelons que la position traditionnelle des libres penseurs est plus l’amour libre (dont l’union libre est une forme) que le mariage (contrat civil avec implications d’intérêts financiers). Mais à partir du moment où le mariage civil existe, il doit pouvoir être utilisé par l’ensemble des citoyennes et citoyens au nom de l’Egalité des droits. Libre penseur et libre amour en quelque sorte.

 


Aller au bout de la logique


Cette revendication du mariage pour tous est un des éléments (pas le seul) de l’égalité en droits qui permet à chaque citoyenne et citoyen d’être l’égal(e) de l’autre. C’est combattre contre toutes les formes de discrimination. Comme disait Marc Blondel, notre Président, avec humour (il en était bien pourvu), l’Égalité en la matière existera vraiment quand les couples homosexuels divorceront. Il paraît d’ailleurs que cela a déjà commencé et c’est bien logique.

S’unir avec un(e) autre, c’est vouloir construire quelque chose en commun. Ce n’est pas, selon un formule célèbre, se regarder l’un l’autre, mais c’est regarder ensemble ailleurs. Et cet ailleurs s’inscrit dans la longue chaîne de l’Humanité qui veut se survivre à elle-même. Aimer, c’est construire quelque chose ensemble pour faire quelque chose ensemble (pas obligatoirement faire des enfants). Et cela est une réalité quels que soient les sexes concernés.

Dans cette acception, il est donc naturel que la question de la procréation d’enfants se pose avec force. Interdire aux couples d’homosexuels d’avoir des enfants par procréation assistée ou par adoption est réactionnaire. Ce n’est pas aller jusqu’au bout du raisonnement qui a conduit au salutaire mariage pour tous.
C’est ouvrir un droit sans qu’il y ait des droits afférents. C’est le non-sens absolu. Dans la législation actuelle, un homosexuel peut adopter un enfant, mais pas un couple d’homosexuels. Il faut faire la preuve qu’un couple n’est pas constitué. On s’arrache les cheveux devant une telle ineptie.


Les homosexuels doivent avoir le droit d’avoir des enfants


S’ils sont seuls, ils peuvent adopter, mais pas faire procréer par une mère porteuse. Leurs droits imprescriptibles à participer à la continuité de l’Humanité et à l’amour parental ne sont pas respectés. La revendication du droit pour les homosexuels d’avoir des enfants est une revendication importante des libertés démocratiques à conquérir.

Certain(e)s concèdent souvent que ce droit peut être accordé aux couples de femmes par le biais de la Procréation Médicale Assistée (PMA). Leur héritage religieux judéo-chrétien (car c’est bien de cela qu’il s’agit) est conciliable avec ce fait, car c’est toujours la mère qui enfante. L’essentiel de la doctrine religieuse est sauve, la femme reste dans le champ de ses compétences : faire des enfants. « Croissez et Multipliez », le commandement est respecté. Bon, à la marge, les « textes saints » qui prohibent l’homosexualité sont un peu bousculés, mais l’essentiel y est. La femme reste dans sa fonction matricielle.

Les mêmes poussent des cris d’orfraie quand est réclamé le droit à la Gestation Pour Autrui, notamment pour que les hommes homosexuels puissent avoir des enfants. Or, si on réfléchit en droit et en philosophie (sans obligatoirement être titulaire d’une chaire à l’université ou être avocat ou magistrat), on ne peut que constater que l’interdiction de la GPA est une violation flagrante de l’Égalité en droit entre certains hommes et certaines femmes.

Pourquoi, en effet les femmes pourraient avoir des enfants hors de la « voie naturelle » de la fécondation « virile et physique » par un homme et les hommes seraient dépourvus de ce droit naturel ? Poser la question, c’est y répondre.

La revendication est posée, le chemin est ouvert, le but sera atteint


Essayons de répondre à quelques objections à cette affirmation (qui n’engage pour l’instant que moi). La Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) vient de condamner la France pour ne pas vouloir reconnaître officiellement les enfants nés par GPA à l’étranger. Le gouvernement a indiqué à cette annonce qu’il ne contesterait pas cette décision. Donc, il l’accepte.

Le matamore sans mors qui nous gouverne a déclaré « moi, Président, jamais il n’y aura la GPA ». Pour complaire à la clientèle électorale catho-réactionnaire, long est le chemin de Damas. Refusant la PMA et la GPA, François Hollande doit même en être à regretter le mariage pour tous, terrorisé par sa propre audace en quelque sorte.

Comment juridiquement reconnaître le produit de la GPA à l’étranger (reconnaissance des enfants) et refuser le principe qui produit cette reconnaissance ? Comment refuser la GPA en France et l’accepter à l’étranger ? A terme, cette position est intenable, car il y une contradiction flagrante dans la position du gouvernement français.

On va nous jouer de la mandoline sur cette « funeste Union européenne ». Les mêmes, qui souvent s’agenouillent devant Bruxelles, vont encore avoir des mots très durs contre l’Union européenne qu’ils refusent de combattre par ailleurs. Tout cela n’empêchera pas que la contradiction sera féconde.

La GPA, c’est la marchandisation des corps ?


Quand j’ai débattu sur un plateau de télévision de la 23 sur « Jésus Christ a-t-il existé ? », à la suite de ce débat, il y en avait un autre avec un couple d’homosexuels qui avait eu recours à la GPA aux USA. Ce couple m’a appris beaucoup de choses.

Aux USA, la GPA est strictement encadrée. Aucune femme ne peut la pratiquer si elle n’a pas terminé son projet parental de procréation, ni si elle a connu des « accidents » d’interruption de grossesse (fausses couches par exemple, les IVG ne sont pas concernées). Doit être démontré réellement qu’elle a les moyens financiers de vivre et que ce n’est pas pour des raisons financières qu’elle va devenir mère-porteuse. A peine 5% des candidates sont autorisées à faire la GPA.

Seul bémol, et de taille, cela coûte horriblement cher. La Sécurité sociale aux USA (qui n’a rien à voir avec la nôtre de 1945) ne prend pas en charge ce genre de prestation. Une GPA coûte environ 100 000€ là-bas dont la moitié est la somme consacrée aux frais médicaux. Le reste se partage entre assistances juridiques et frais inhérents à un déplacement à l’étranger. En France, les méthodes de procréation assistée sont prises en charge par la Sécurité sociale, quel que soit leur nombre au titre des frais médicaux. Cela fait la différence en matière d’égalité en soins. Aux USA, il y a une véritable différenciation par l’argent, la médecine des riches et la médecine des pauvres n’est nullement une fiction.

Dès lors, comment ne pas constater que la marchandisation des corps et la différenciation par l’argent existent déjà et que ce n’est pas le refus d’étudier cette question en France qui va régler quoique ce soit ? Depuis quand interdire un progrès dans un pays, au nom du fait qu’il est perverti ailleurs, a-t-il fait avancer le droit positif ?

Si on appliquait ce raisonnement en matière sociale, jamais l’esclavage et le servage n’auraient été abolis, car ils existent toujours malheureusement dans certaines contrées du monde. C’est, au contraire, par la théorie de l’exemple et par les failles ouvertes dans des interstices que l’on permet que le mouvement avance. Le progrès n’avance jamais globalement sur le même front, il se généralise ensuite pour devenir un tout.

Comment encadrer correctement la PMA et la GPA ?


Il est logique, naturel et sain que chacun(e) s’interroge sur les dérives potentielles d’un droit nouveau. « Que celui qui n’a jamais péché me jette la première pierre » aurait dit l’escroc historique.

On peut tout à fait concevoir que le même dispositif qui préside à l’organisation du don du sang ou du don et prélèvement des organes puisse s’appliquer en la matière. L’arsenal juridique et pénal existe en France pour éviter toute commercialisation en la matière et marchandisation des corps.

On peut donc s’inspirer du modèle nord-américain en la matière et le compléter par les principes du droit français de Sécurité sociale. Cela constituerait un véritable progrès encadré par de véritables principes conformes à la solidarité collective en matière de santé.

Pour la PMA, je suis inconditionnellement pour le don gratuit et l’anonymat des donneurs. Supprimer cet anonymat, c’est tarir la source de vie. On assiste pourtant à une tentative judicaire à l’américaine sur ces questions. On constate le nombre de recours en hausse pour connaître l’identité des donneurs. C’est préoccupant.

The last but not the least


La plupart des gens qui s’opposent à la GPA sont soit des calotins et des réactionnaires faisant œuvre de foi ou soit encore de gens qui restent dans le cadre ancien des croyances religieuses, même s’ils s’en défendent.

Il reste cependant une question fondamentale à traiter. C’est celle de la recherche scientifique. L’histoire a montré que l’on ne peut lui assigner aucune limite, un peu comme la recherche des vérités de l’Humanité. 

Rien ne pourra arrêter les sciences et leurs applications. Il est illusoire de vouloir mettre une borne à la recherche scientifique au nom de règles morales qui sont parfois plus que discutables.

La PMA et la GPA rentrent dans ce domaine de recherche et d’application. Rien ne pourra empêcher que l’Humanité cherche toujours d’autres voies pour se sauver et se reproduire. Se soustraire à la fatalité biologique, c’est la marche même de la civilisation.


Vouloir interdire le progrès dans cette discipline de recherche pour trouver d’autres moyens de procréation, c’est se prendre, qu’on le veuille ou non, pour ce pape Urbain VIII qui a intimé l’ordre à Galilée de se rétracter et d’abjurer.


« Et pourtant, elle tourne…. »

Christian Eyschen